Reichenbach offre une perspective nuancée sur les défis multiformes auxquels sont confrontés les fabricants de semi-conducteurs et sur l'impact mondial de ces défis.

Les défis auxquels est confrontée l'industrie des semi-conducteurs

1. Situation politique :

Felix Reichenbach, Head of Solution Center Semiconductor, TRUMPF.Reichenbach souligne l’impact significatif de la situation politique, notamment les incertitudes liées aux tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine.

« De notre point de vue, la situation politique, notamment entre les États-Unis et la Chine, constitue un défi et une incertitude majeurs. Si le conflit s’intensifie, il affectera le marché occidental. Les fabricants d’équipements, les fournisseurs et les utilisateurs finaux subiront donc des interruptions incontrôlées. »

2. Capacités d'extension :

« S'il y a une éruption entre la Chine et Taiwan, le monde des semi-conducteurs prendra fin. TSMC à Taiwan produit actuellement les deux tiers des puces de pointe de moins de 10 nanomètres. Si tout s'arrête, il nous manquera plus de 60 % de toutes les puces pour téléphones mobiles ou puces hautes performances.

3. Perturbations de la chaîne d’approvisionnement :

En réfléchissant aux défis rencontrés pendant la pandémie, Reichenbach évoque les perturbations potentielles de la chaîne d’approvisionnement dues aux interruptions commerciales.

« Au cours des trois dernières années, la pénurie de marchandises n'a pas été causée par des raisons politiques mais par la pandémie mondiale. Cette dernière a entraîné des pénuries de coûts, voire la crainte d'une pénurie, en poussant de nombreux clients à passer des commandes. Une situation similaire pourrait se produire à l'avenir si des sanctions commerciales étaient imposées à la Chine. »

4. Pénuries de matériaux :

Alors que la période actuelle est marquée par une réduction des pénuries de matériaux, Reichenbach souligne la possibilité que les pénuries s'intensifient en raison d'une légère hausse du marché.

« Les pénuries matérielles ont diminué car la situation s'est considérablement améliorée. Cependant, la demande de puces semi-conductrices et la demande d’équipements de fabrication de plaquettes ont ralenti. Si le marché se rétablit, nous pourrions être confrontés à des problèmes d'allocation et des pénuries de matériaux plus graves. »

5. Technologie en constante évolution :

Reichenbach se penche sur la dichotomie entre les technologies de pointe et les nœuds technologiques matures, ainsi que sur les défis liés au rythme imposé par les progrès technologiques.

« La technologie de pointe ne représente que la pointe de l'iceberg, et très peu d'entreprises sont équipées pour y faire face. TSMC, Samsung et Intel restent les leaders technologiques dans ce domaine. Cependant, la plupart des entreprises utilisent encore des nœuds technologiques matures supérieurs à 20 nanomètres. Ces deux mondes sont complètement différents l’un de l’autre. »

« Les exigences et les spécifications pour diverses applications deviennent de plus en plus strictes. Cependant, de nombreuses applications, comme l’automobile et les télécommunications, sont basées sur des nœuds matures. Les technologies les plus récentes sont principalement nécessaires aux applications informatiques hautes performances telles que l’IA. »

6. Environnement durable :

Soulignant le rôle de l'industrie dans le développement durable, Reichenbach discute de la tendance à réduire l'empreinte carbone.

« L'industrie des semi-conducteurs joue un rôle crucial dans le mouvement pour la durabilité. La seule solution viable pour réduire notre empreinte carbone consiste à éliminer les combustibles fossiles et à électrifier les processus autant que possible. Cependant, cette évolution vers l’électrification nécessite un nombre important de semi-conducteurs. »

« Il existe encore certains procédés fonctionnant au gaz, notamment dans le traitement des gaz d'échappement. Certaines entreprises remplacent déjà les brûleurs à gaz lorsque cela est possible, malgré les énormes investissements que cette démarche nécessite. Il s'agit en fin de compte d'une décision commerciale. »

7. Travailleurs qualifiés :

Le défi permanent lié au recrutement d'une main-d'œuvre qualifiée est exploré par Reichenbach, qui note des disparités régionales.

« Par rapport à d'autres régions, notamment en Asie, il sera plus difficile de créer une usine de fabrication de semi-conducteurs en Europe en raison de la situation démographique. Le manque de main d’œuvre qualifiée est une préoccupation majeure, même si cela dépend aussi de la région considérée. Ce critère est moins problématique dans des pays comme l’Inde et la Chine. »

8. Concurrence mondiale :

Le marché des semi-conducteurs est très concurrentiel et Reichenbach en offre un aperçu.

« Une concurrence intense a toujours eu lieu au niveau mondial. Le marché est par conséquent très consolidé. Il sera difficile pour de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché et de rivaliser avec ses cinq principaux acteurs. »

« Ces dernières années, nous avons constaté une différenciation croissante entre la production et la conception de composants, car les entreprises se spécialisent dans l'une ou l'autre de ces compétences. La conception et la fabrication sont deux compétences distinctes, et cette tendance est susceptible de s'accentuer à l'avenir. »

9. Recherche et développement (R&D) :

Reichenbach met en lumière les défis liés à l’approche des limites structurelles dans les structures nanométriques et l’empilement de puces.

L’industrie est confrontée à un défi majeur à mesure que les structures approchent de leur limite de taille.

« L’industrie est confrontée à un défi majeur à mesure que les structures approchent de leur limite de taille. Il devient de plus en plus difficile de surmonter les structures de l'ordre du nanomètre. Il est difficile de réduire les structures à moins de deux ou trois nanomètres. De nouvelles méthodologies et conceptions sont nécessaires pour y parvenir. À mesure que nous approchons du niveau d’un seul atome en termes de taille de structure, qui constitue la limite actuelle, la densité des informations stockées sur une puce doit être augmentée de différentes manières. »

« Actuellement, la tendance est d'empiler différentes puces les unes sur les autres, en augmentant ainsi la densité sur la même empreinte. Ceci est comparable au passage des structures de mémoire 2D aux structures de mémoire 3D introduites il y a 10 ans. Du côté logique, les puces informatiques haute performance sont empilées avec plusieurs chipsets sur une seule puce. C'est la voie à suivre d'ici les prochaines années. »

« À l'avenir, des matériaux à base de diamant pourraient être utilisés à la place du silicium. Cependant, cette approche est actuellement trop coûteuse et n’est pas économiquement réalisable. La transition prendra des années, voire des décennies.

Perspectives d'avenir

Malgré les défis auxquels est confrontée l’industrie des semi-conducteurs, Reichenbach prévoit une reprise dans un avenir proche.

« Le marché devrait connaître une tendance à la hausse au second semestre de l'année prochaine, stimulée par la demande accrue de puces d'IA, l'intensification de la numérisation et le retour du marché de la mémoire. Comme on l’a vu pendant la pandémie, la demande pour toutes sortes de puces est susceptible d'augmenter, tandis que les entreprises effectuant des achats à risque pourraient entraîner des pénuries. »

« De plus, la demande de puces augmentera également dans l'industrie des véhicules électriques. Le secteur automobile contribuera à cette demande à mesure que la conversion des combustibles fossiles en énergie électrique prendra de l'ampleur », conclut Reichenbach.